« Salomon commença à
bâtir la maison de Yahvé à Jérusalem, sur le mont Moriyya, où Yahvé était
apparu à David, son père, à l'endroit que David avait fixé sur l'aire d' Ornân
le Jébouséen (2 Chr 3, 1)».
Tel est le témoignage de la
Bible, que tout un chacun peut lire dans la Bible d' Osty. C'est un témoignage
important puisqu'il nous donne l'emplacement du premier temple de la ville
sainte au temps de Salomon. Aussi importe-t-il de bien le comprendre.
Ce mont Moriyya est-il vraiment
sous l'esplanade des mosquées, mont du temple pour les uns, Haram al-sharif
pour les autres, alias mont du Rocher, qui risque, à tous moments, d'embraser
le Proche-Orient? Est-il ce terre-plein qui s'appuie sur le mur des
lamentations, cette plate-forme que se disputent l'Etat palestinien et l'Etat
d'Israël? Est-il ce petit rectangle de cinq cents mètres sur trois cents,
véritable pomme de discorde entre les musulmans et les juifs? les premiers
parce qu'ils en ont fait le troisième lieu saint de l'islam, les seconds parce
que c'est là que se dressaient, selon eux, leur premier puis leur second
temple?
Rien n'est moins
sûr !
Il faut reprendre l'histoire à
son début.
Les Hourites d' Aryok, les
Elamites de Kedorlaomer, les Hittites de Tidéal s'étaient ligués pour faire la
guerre à Lot ( Gn 14, 12). Lot marchait, enchaîné, prisonnier de ses
vainqueurs. Alors, Abraham rassembla trois cent dix-huit soldats et il se lança
à la poursuite des ravisseurs de son frère ( Gn 14, 14). Après la victoire
d'Abraham, Melchisédech, roi de Salem (la cité jébouséenne : Jérusalem)
apporta du pain et du vin, et il bénit Abraham, disant : «Béni soit
El, le Dieu Très-haut, créateur du ciel et de la terre, parce qu'il t'a donné
la victoire!» ( Gn 14, 18 à 20).
Cela se passait, il y a quatre
mille ans.
: «Où les trois
cent dix-huit soldats d'Abraham tenaient-ils garnison?»
: «Dans la
forêt de chênes de Mambré, à Hébron ( Gn 13, 18).»
: «Où se
trouvait la ville de la cité jébouséenne?»
: l'archéologie
confirme les données de la Bible: sur la colline basse de Jérusalem.
: «Qu'était la
ville jébouséenne, alias Jérusalem, au temps d'Abraham?»
: «Une ville
cananéenne, qui remerciait, certes, Abraham d'avoir écarté un danger extérieur,
mais qui n'allait pas jusqu'à lui ouvrir ses portes.»
Mille ans plus tard, il en
était toujours ainsi : «Le roi David, avec ses hommes, marcha sur
Jérusalem contre les Jébouséens, habitants du pays. Ceux-ci dirent à David: «Tu
n'entreras pas ici» (2 Sam 5, 6).
Tout cela est très clair: le roi
David, avec ses troupes, était toujours en garnison à Hébron (2 Sam 5,
1). Mais alors qu'Abraham ne pouvait mettre sur les rangs que trois cent
dix-huit soldats, David était en mesure d'en aligner trente mille (2 Sam 6, 1).
Contrairement à ce que pensent
les exégètes, le livre de Samuel ne nous dit pas que le roi s'empara de la
Jérusalem des Jébouséens; il nous dit seulement qu'il s'empara de la forteresse
de Sion, laquelle devint la cité de David (2 Sam 5, 7).
Où faut-il situer Sion? La
logique tactique et stratégique a ses lois contre lesquelles les archéologues
ne peuvent aller : David était intellectuellement obligé de s'installer
sur la colline haute qui dominait celle des Jébouséens, là où se trouve
actuellement le quartier arménien.
Mais que signifie l'expression
que l'on traduit par la cité de David? Est-ce le mont Sion dans sa totalité ou
est-ce seulement la citadelle de David qui se dressait à son nord-ouest, sur le
point haut?
Les archéologues israéliens ont
retrouvé des vestiges de fondations sur les flancs de la colline basse. Ils ont
raison d'y voir les plus anciens vestiges du site. Ils ont raison d'y voir les
fondations des murailles de l'ancienne ville jébouséenne mais ils ont tort d'y
chercher les vestiges de la cité de David. En effet, si le texte biblique
évoque la possibilité de s'emparer de la ville jébouséenne en remontant un
canal qui passait probablement sous les murailles, il ne dit pas que David
aurait utilisé ce stratagème (2 Sam 5, 8). Il faut que les archéologues
reconsidèrent leur position; la ville jébouséenne était beaucoup plus puissante
et beaucoup mieux fortifiée qu'ils ne pensent. David ne s'est pas emparé de la
ville jébouséenne qui se dressait sur la colline basse, il s'est installé sur
la colline haute.
Puis David bâtit tout autour
(2 Sam 5, 9). Là aussi,
la logique tactique et stratégique a ses lois. David était intellectuellement
obligé d'entourer sa position - la colline haute - d'une enceinte fortifiée
plus ou moins circulaire.
A ce moment-là, on peut affirmer
sans hésitation qu'il existait deux positions fortifiées, l'une sur la colline
basse, Jérusalem, l'autre sur la colline haute, Sion... une ville pécheresse
tenue par les Jébouséens et une ville sainte tenue par les Hébreux, chacune
entourée de ses propres murailles. Ce n'est que par la suite que d'autres
murailles englobèrent tout l'ensemble.
Puis David se fit construire
une maison en pierre (2 Sam 5, 11), donc à l'intérieur de cette enceinte. Puis, dans sa citadelle (2 Sam 6,
16), il fit transporter l'arche d'alliance qu'il abrita sous une tente (2 Sam
6, 16 à 18 et 1 Chr 15, 1 et 16, 1). De la tribu d'Israël, ils étaient trente
mille à accompagner le roi (2 Sam 6, 1).
Puis Salomon commença à
bâtir la maison de Yahvé à Jérusalem, sur ce mont Moriyya, où Yahvé était
apparu à David, son père, à l'endroit que David avait fixé sur l'aire d' Ornân
le Jébouséen (2 Chr 3, 1).
Puis, on porta l'arche
d'alliance de la tente à la maison en présence de tout le peuple, et devant
l'arche, on sacrifia une très grande quantité de moutons et de bœufs (1Rs, 8).
colline basse = oppidum des
Jébouséens = Jérusalem
colline haute = oppidum
des Hébreux = mont Moriyya = mont Sion
Après la déportation de Babylone,
les exilés revinrent à Jérusalem. Cyrus ayant donné, paraît-il, l'autorisation
de reconstruire la maison de Yahvé, Esdras fit remettre l'autel à son
emplacement ( Esd 3, 3) et reconstruire le temple ( Esd 3 à 6).
Puis, en l'an cent
soixante-quatre avant J. C., Judas et ses frères reprirent possession du mont
Sion. Voyant les portes brûlées, la végétation qui poussait partout sur les
parvis, les nefs effondrées, ils déchirèrent leurs vêtements, tombant face
contre terre; puis, se redressant, ils poussaient de lugubres cris vers le ciel
(1 Mac 4, 36 à 40). Pendant qu'ils purifiaient le lieu saint, d'autres
attaquaient les Macédoniens qui tenaient la citadelle (1 Mac 4, 41)... de David.
Puis ils reconstruisirent le temple, les remparts et les tours (1 Mac 4, 60).
Jusque-là, on peut dire que la
maison de Yahvé se dressait toujours sur le mont Sion, sur la colline haute,
même si le(s) temple(s) d'Esdras et de Judas était bien différent du temple de
Salomon quant à son style et à ses dimensions.
Au Ier siècle avant J.C., quand
Flavius Josèphe nous décrit avec admiration le palais d'Hérode (Guerre des
Juifs, V, 176 à 183), ce n'est évidemment pas d'un simple bâtiment qu'il
s'agit, mais de tout un quartier qui ne peut être que le mont Sion, avec ses
anciens édifices sacrés. Manifestement, le temple de Salomon n'est alors plus
qu'un vague souvenir où l'imagination se perd. Le judaïsme, quant à lui, s'est
répandu dans le monde entier. Flavius Josèphe écrit qu'il n'était pas un peuple
au monde qui ne possèda quelque élément de la race juive (Guerre des Juifs, II,
398).
Il y a une logique de l'histoire.
Pour accueillir les pèlerins et les dons de la diaspora, la construction d'un
nouveau temple s'imposait, un temple à la mesure de l'importance de cette
diaspora.
En l'an 22 avant J.C., Hérode le
Grand fit commencer les travaux. Il aurait été absurde de raser le mont Sion
pour construire le nouveau temple. Mais, dans le prolongement de la colline
basse, au nord de l'ancienne enceinte jébouséenne, il existait un terrain
apparemment vierge où s'entassaient les ordures de la ville. On le remblaya de
façon à obtenir une grande esplanade sur lequel on édifia la nouvelle maison de
Dieu. Le bâtiment avait quarante-cinq mètres de haut et il fallut plus de
quarante-six ans pour le construire ( Jn 2, 20). Flavius Josèphe écrit que
lorsque le soleil l'éclairait, on ne pouvait le fixer longtemps du regard tant
on était ébloui par la blancheur de sa pierre et par l'or de ses décorations.
En l'an 70 après J. C., à l'issue
d'une guerre effroyable, les armées romaines rasèrent la ville de Jérusalem, à
l'exception de quelques tours. Le feu détruisit le temple d'Hérode.
colline haute = mont Sion =
palais d'Hérode d'après F. Josèphe.
colline
basse = Jérusalem + temple d'Hérode.
Au IIème siècle, l'empereur
Hadrien expulsa les Juifs et les Arabes de la ville. Sur l'esplanade, les
temples étaient devenus païens.
Au IVème siècle, l'empereur
Constantin fit construire l'église du Saint-Sépulcre.
En 638, le calife Omar s'empara
de Jérusalem. Les mosquées succédèrent aux temples païens. Soliman le
Magnifique, Saladin embellirent le site.
Et puis, pour ne pas être en
manque d'arguments face aux Juifs qui réclamaient le lieu saint au nom de leur
histoire, les califes déclarèrent que c'était de là que le prophète Muhammad
était monté au ciel, chevauchant son cheval ailé Al Burak.
colline haute = mont Sion +
emplacement du temple de Salomon (1 er temple) et du 2 ème temple.
colline basse = Jérusalem + emplacement du temple d'Hérode (3 ème temple) +
mosquées.
Mais revenons à Abraham. Lorsque
Dieu avait voulu le mettre à l'épreuve en lui demandant de lui sacrifier son
fils, Il lui avait parlé ainsi: «Prends ton fils, ton unique que tu aimes,
Isaac, et va-t'en au pays de Moriyya; là offre-le en holocauste sur l'une des
montagnes que je te dirai» ( Gn 22, 1).
Question: «Cette montagne de
Dieu, de toute évidence élevée et solitaire, du pays de Moriyya, est-elle le
mont Moriyya ? »
Réponse : « Non !
Comme je l'ai expliqué dans mes ouvrages, la montagne du sacrifice, dans le
pays de Moriyya, c'était le mont Sinaï, dans la région de la mer Morte ».
Bien sûr, on aimerait bien que le
modeste rocher que vénère le croyant à l'intérieur du Dôme de la Roche soit la
Moriyya où Dieu aurait parlé successivement à Abraham, puis à David, puis à
Salomon, et sur l'emplacement duquel les Juifs auraient construit leur premier,
deuxième et troisième temple.
La réponse de l'historien est
malheureusement négative.
Il s'ensuit que toutes les
espérances plus ou moins messianiques ou miraculeuses qui s'attachent à ce lieu
saint doivent être revues à la lumière de la raison.
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