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(texte et photos transcrits d'un article paru le
20 Novembre 1994 en couverture de l'édition du Dimanche du Progrès de Lyon)
Pas de doute, en 52 av J.C.,
Vercingétorix a bien vaincu Jules César à
Gergovie.
Reste à savoir où se situe précisément la
capitale des Arvernes...
Dans le Puy-de-Dôme, certes, mais pas sur le
plateau de Merdogne,
Emile Mourey le démontre en 400 pages: Gergovie
ne peut être qu'au Crest.
enquête de Jean-Philippe Mestre.
Relisant
"La guerre des Gaules" de Jules César, le lieutenant-colonel Mourey
reconstitue la bataille de Gergovie, victoire de Vercingétorix face aux
Romains. Et il en profite pour remettre en cause la localisation de la capitale
des Arvernes. Pour lui, "nos ancêtres les Gaulois" avaient élu
domicile non pas sur le plateau de Merdogne (Puy-de-Dôme), mais quelques
kilomètres plus loin, au Crest.
Parce qu'il avait acheté un château du
XVIIème pour occuper sa retraite, un officier en est venu à semer le trouble
dans le petit monde très fermé de l'archéologie. Mais aussi, à mettre en péril
des investissements de prestige (et de prix) réalisés sous le signe du
patrimoine. Imaginez-vous qu'il s'est même mis en tête de réhabiliter les
Gaulois! Ce n'est pas pour rien que dans la partie du château qu'il a déjà
restaurée, au milieu d'objets d'art tout à fait respectables, le
lieutenant-colonel Mourey a posé bien en évidence une figurine d'Obélix...
Il ne faut pas voir dans ce
Saint-Cyrien un contestataire obstiné. Par exemple, il est tout à fait partisan
de laisser Alésia à la place où l'ont installé la tradition et les
spécialistes, Alise-Sainte-Reine. En revanche, il remet formellement en cause
l'emplacement de Gergovie pourtant... officialisé par un monument, un musée et
une bonne partie de la communauté archéologique et savante depuis plus d'un
siècle.
Gergovie, c'est l'Austerlitz de
Vercingétorix comme Alésia est son Waterloo. C'est la victoire de la bravoure
gauloise contre la puissance et l'organisation romaines (voir encadré). Aussi ne faut-il pas s'étonner qu'on ait cherché à honorer dignement ce
haut-lieu. Et qu'on ait vu grand et haut: dominant Clermont-Ferrand, à plus de
700 mètres d'altitude, un vaste plateau attire les regards. Certes, l'endroit
est pelé, désert et plutôt sinistre, et fâcheusement avare en vestiges
antiques. En plus, il porte le nom peu glorieux de plateau de Merdogne.
Mais deux officiers de l'Empire
lui ont donné leurs suffrages au début du siècle dernier. Jusqu'à aujourd'hui,
personne ne s'était vraiment soucié de les contester. Le plateau et le village
de Merdogne sont rebaptisés Gergovie et au début de notre siècle, un monument
est érigé: il représente un casque gaulois porté par trois colonnes.
Pourtant, ce que des officiers
ont consacré, d'autres officiers vont le désacraliser. Il faut savoir qu'un
seul récit contemporain des faits subsiste: les "Commentaires de la Guerre
des Gaules" de Jules César, le vaincu de Gergovie. Si l'on peut
s'interroger sur son objectivité dans de nombreux domaines, aucune raison de
suspecter les descriptions des lieux, des situations, des mouvements de troupe.
Encore faut-il lire ce militaire en militaire.
Or, les traductions de la
"Guerre des Gaules" sont le fait d'érudits latinistes comme Constans,
plus soucieux d'élégance littéraire que de précision militaire...
Le lieutenant-colonel Mourey veut
retracer l'histoire du château qu'il a acquis, situé sur une hauteur qui domine
Chalon. Chalon qui était déjà une ville importante dans l'antiquité et dont
César avait parlé dans ses "Commentaires". Il reprend le texte
original. Et comme il se souvient de ses humanités latines au lycée de
Bourg-en-Bresse, il décide de le traduire. Les contradictions entre les
traductions autorisées et ce qu'il comprend du langage militaire de César
l'incitent à aller plus loin. Constans, par exemple, traduit "in
summa" par "dans son ensemble". Le militaire lit plus
professionnellement "au sommet", c'est-à-dire "à la place la
plus haute". César ne désigne pas au petit bonheur une éminence par
"mons" ou "collis": l'un désigne la hauteur et l'autre, le
versant. Il fait une différence entre "urbs", la ville, et
"oppidum", la forteresse.
La géographie des lieux apparaît
peut-être moins poétique, mais plus précise. Reste à se rendre sur les lieux.
Une certitude : la vallée de l'Auzon, affluent de l'Allier, est l'axe de la
bataille. On a situé les camps où César avait réparti ses troupes, retrouvé
trace des fosses fortifiées qui les reliaient. Seulement, découvre M. Mourey,
on a regardé du mauvais côté : face au plateau de Merdogne, se dresse, à plus
de 600 mètres d'altitude, l'éminence du Crest, prolongée par le plateau effilé
de la Serre.
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