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Notre pays s'appelait autrefois la Gaule.
C'était un ensemble de cités, prospères mais parfois
turbulentes. Chaque cité avait son sénat et chaque ville,
son conseil de notables. On y délibérait beaucoup.
Mais, de l'autre côté du Rhin, de l'autre
côté des Alpes, des peuplades s'armaient, avides de conquêtes.
En l'an 58 av. J.C., une armée romaine envahissait le pays sous
le commandement d'un homme qui voulait changer le monde: Jules César.
Face au futur dictateur - César fut assassiné
par la suite, en plein sénat, par les partisans de la République
- un jeune homme se dresse: Vercingétorix. Son programme
politique: «Faire diligence pour rallier les cités dissidentes,
et faire ainsi de toute la Gaule un seul conseil où se décideront
des accords auxquels tout le monde devra se soumettre (DBG VII, 29)».
Sa motivation: «Si j'ai mené cette guerre (contre l'envahisseur),
ce n'est pas pour mes intérêts mais pour la liberté
de tous (DBG VII, 89)» (c'est-à-dire pour un idéal
de société où tous les hommes, quels qu'ils soient,
seront libres). Son père naturel: Celtil, roi des Arvernes, druide
suprême de la Gaule. Son père spirituel: Dumnorix, chef de
la cavalerie éduenne, qui s'écria avant de mourir assassiné
sur ordre de César: «Je suis un homme libre! J'appartiens
à une cité libre! (DBG V, 7)».
Que l'on soit de souche, immigré de longue
ou de fraîche date, tout le monde s'est posé ou se posera
un jour des questions sur l'histoire antique du pays dans lequel il a choisi
de vivre. Interrogeant la mémoire de la société dont
on a accepté l'éducation, il est bien rare que les citoyens
et citoyennes de bon sens n'y trouvent pas, à la racine, des valeurs
pour notre temps.
Ignorant les technocrates qui planifient dans leurs
bureaux obscurs, ces citoyens et citoyennes de bon sens savent bien que
ce n'est pas en reniant le passé qu'on construit l'avenir et que
des grands projets, tels que l'Europe, ne pourront se réaliser
que par le rapprochement des patries historiques.
Quelle mauvaise mouche a donc piqué cette
vénérable institution qu'est le Collège de France
pour que son porte-parole à la chaire des Antiquités nationales
proclame à tous vents ce slogan qui ne veut rien dire: «La
patrie gauloise est un mythe!»? Recueil de nombreuses contre-vérités,
de faux sens et de contre-sens, et pourtant Bible pour les archéologues
de demain, Le dossier Vercingétorix de M. Christian Goudineau,
s'efforce de démolir le personnage historique des textes antiques
auquel, depuis Camille Jullian, nous avons cru. Vercingétorix
fait piètre figure. Il n'a pas de personnalité, il ne joue
qu'un tout petit rôle (page 230). La reddition de Vercingétorix
devant César? Une invention des auteurs anciens; la fin est nulle,
plate (page 328). Après avoir déboulonné la statue
de Vercingétorix, le «grand patron» en histoire gauloise
s'en prend ensuite à la Gaule. Véritable paradoxe, alors
que les discours de César se font au nom de Rome, alors que ceux
des Gaulois se font au nom de la Gaule, il nie tout sentiment gaulois;
il n'y aurait eu que des patriotismes de cités. Les frontières
de la Gaule? Une invention de César (page 238). Corrigeant superbement
les témoignages antiques, il affirme: «Dans l'antiquité,
la
Gaule, ça n'est rien, ça n'existe pas (page 238)».
La maison de Vercingétorix ? Une maison en matériaux périssables
(terre et bois) (page 243). Le physique impressionnant du chef arverne?
Une invention de Dion Cassius et de Florus (page 282). Comment fut-il exécuté?
Nous
l'ignorons et, à vrai dire, cela importe-t-il ? (page 328).
Faisant l'apologie de l'ouvrage, la revue L'archéologue (n°53)
résume l'idée que se fait l'auteur du héros arverne:
un guerrier coupeur de têtes, un paysan élevant des cochons.
Solidaires du cartel qui soutient M. Goudineau (la
revue L'archéologue, les éditions Errance,
la librairie Epona, le musée archéologique européen,
France culture etc...), les médias n'hésitent pas à
en rajouter dans le dénigrement de notre protohistoire, se félicitant
de la victoire romaine qui nous aurait amené la civilisation (cf.
Le
Monde des livres du 20/5/94)......
Triste civilisation, en vérité, qui
brûla Bourges, la plus belle ville, ou peu s'en faut, de toute la
Gaule, et qui massacra ses 40 000 habitants, hommes, femmes et enfants!
(DBG VII, 15 et 28)...... Triste civilisation que Vercingétorix, heureusement,
conjura en s'offrant, de lui-même, en holocauste: «Puisqu'il
faut céder à la fortune, je m'offre à vous; tuez-moi,
ou livrez-moi vivant aux Romains. Puissent-ils se satisfaire de mon sacrifice!»
(DBG VII, 89).
Vercingétorix
n'est pas seulement un de nos plus grands personnages historiques,
il est un symbole de la Liberté.
Madame, Monsieur le Député, pourquoi Madame Tasca, ministre
de la Culture, permet-elle de tels errements de la part du Collège
de France?
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